Après avoir échangé au sujet de l’expatriation avec Rayan dans ma première interview de voyageur. Je me suis adressée à Fanny pour répondre à mes questions. J’ai eu la chance de faire sa connaissance lors de mon court passage en Nouvelle-Calédonie. Si vous avez suivi j’ai tout quitté pour partir vivre à l’autre bout du monde il y a quelques années. Je suis rentrée en France et ai retrouvé ma vie parisienne. En revanche Fanny a continué l’aventure sur une autre île : Mayotte. Mais elle vous racontera mieux que moi son parcours.
Qui es-tu ? (présentes-toi, d’où viens-tu, quel âge as-tu …
Je m’appelle Fanny, j’ai eu 25 ans cette année et je suis sage-femme depuis 2018. J’ai toujours eu du mal à répondre à la fameuse question “d’où viens-tu”… Disons que j’ai beaucoup déménagé depuis toute petite et que je ne me sens pas appartenir réellement à une région en particulier. Je suis née en région parisienne. Mais je n’y ai pas vécu très longtemps. Je suis aussi passée par l’Ardèche et le Loir-et-Cher quelques temps. J’ai par contre passé toutes mes vacances d’été dans le Finistère sud et la Bretagne est donc devenue un peu ma région d’adoption. Je suis très fière également de mes origines allemandes par ma grand-mère née à Cologne où mon grand père l’a rencontré.
Dans quel pays es-tu partie t’installer ? Pourquoi es-tu partie à l’étranger ?
Le premier pays que j’ai découvert est le Portugal. Grâce au travail de mon père j’ai eu la chance de découvrir l’expatriation dès mes 10 ans ! Avant d’être expatriée j’ai donc d’abord été fille d’expatrié. Après 3 ans à Lisbonne, nous sommes partis toujours en famille découvrir la Russie en s’installant 4 ans à Moscou. J’ai du rentrer en France pour faire mes études et j’ai donc atterri un peu par hasard à Nantes pendant 6 ans.
Je gardais dans un coin de ma tête l’idée de repartir à l’étranger sans réellement savoir où. J’ai dans le cadre de mes études eu l’occasion de vivre quelques mois en Nouvelle-Calédonie pour mon stage de fin d’études. C’est d’ailleurs là bas que j’ai rencontré Cindy avec qui j’ai bien profité de mon séjour ! Une fois diplômée, l’envie de repartir était grande mais mes économies avait fondu comme neige au soleil… J’ai donc commencé ma vie active par un poste de sage-femme à Orléans pour pouvoir mettre un peu d’argent de côté avant de repartir.
Avec mon diplôme de sage-femme je peux exercer dans tous les DROM (départements et régions d’outre-mers). C’est plus difficile d’exercer dans d’autres pays car les compétences ne sont pas les mêmes partout et les pratiques d’exercices sont souvent différentes également. J’hésitais donc entre partir découvrir un autre DROM ou faire de l’humanitaire. Des amies de promotion étant motivées à partir travailler à Mayotte. Elles m’ont assez facilement convaincues de les suivre. Je vis et travaille à Mayotte depuis un peu plus d’un an maintenant et le retour en métropole est assez difficile à imaginer. Peut être un autre DROM ensuite ?
Trouves-tu que cela est facile de s’expatrier ?
La vie d’expatrié fait souvent beaucoup rêver. D‘un regard extérieur on voit principalement les avantages (qui sont très nombreux évidemment). En réalité il n’est pas toujours évident de s’installer à l’étranger. Pour moi qui est déménagé régulièrement c’est certainement plus simple mais pour la majorité des gens sauter le pas est difficile. Il faut oser quitter le confort et les habitudes établies sans savoir ce qui nous attends réellement au bout. On sait ce que l’on perd mais pas forcément ce que l’on gagne.
C’est en quelque sorte un pari sur l’avenir, il faut être un peu joueur.
La séparation avec la famille et les amis peut être compliquée. Surtout quand on est loin et que le trajet est trop long et/ou trop cher pour rentrer plus d’une fois par an. Heureusement grâce aux appels en visio on prend régulièrement de nouvelles mais la distance est parfois difficile à vivre.
Une fois sur place, on découvre les particularités culturelles au niveau administratif, par exemple. Et toutes les petites choses du quotidien qui nous semblaient faciles en France peuvent devenir un casse tête.
La barrière de la langue peut aussi être un frein à l’adaptation. Quand je suis arrivée à Moscou en 2008, dans le métro rien n’était écrit en lettre latine. Seulement du cyrillique à déchiffrer comme on pouvait… Pour communiquer avec les locaux ce n’est pas toujours évident non plus et même si je me débrouille bien en anglais le dialogue était compliqué surtout en Russie. On apprend à communiquer par les mimes et certaines situations deviennent assez drôles !
Beaucoup d’habitudes doivent changer. Pour la nourriture par exemple, en France nous avons l’habitude de tout trouver quand on le souhaite dans n’importe quel magasin. Comme pour les restaurants d’ailleurs, mais les étrangers n’ont pas les mêmes habitudes alimentaires que nous. Il faut donc s’habituer à la consommation du pays (les bons fromages me manquent !).
Après les difficultés passées, l’expatriation est vraiment une chance ! S’immerger dans différentes cultures est passionnant. En Calédonie et à Mayotte, je découvre avec grand intérêt différentes visions de la maternité grâce à mon métier de sage-femme et ma place privilégiée auprès des femmes et des couples.
Grâce à l’expatriation, on a l’occasion de faire et de voir des choses qui peuvent sembler inaccessible pour les autres.
J’ai la chance d’avoir fait du chien de traineau en Sibérie, du catamaran dans les plus beaux lagons du monde, du parapente au dessus de la Réunion, de nager avec des requins baleines à Madagascar. J’ai encore tellement d’autres choses à voir et à faire ! La vie est tellement magique quand on se donne les moyens de suivre ses rêves.
Quels sont les obstacles à l’expatriation à Mayotte ?
Quand on annonce notre expatriation à Mayotte, la première réaction des gens est l’inquiétude face à la délinquance et l’insécurité sur l’île. En effet, Mayotte a une mauvaise réputation de ce point de vue. La pauvreté et l’immigration sont très présents ici et malheureusement il y a beaucoup d’agressions, de cambriolages et de vol en général.
Il serait vraiment dommage de s’arrêter à ça quand on parle de Mayotte ! Cette île possède l’un des plus beaux lagons du monde avec également des plages magnifiques. Mais aussi des sentiers de randonnées très sympathiques ainsi qu’une faune et une flore très riche. Le tourisme reste encore peu développés sur l’île aux tortues et nous nous sentons privilégiés de découvrir ce petit paradis encore méconnu !
Quel est ton meilleur souvenir d’expatriation ?
Difficile de trouver un seul souvenir… Je pense que le meilleur moment c’est quand tu rentres chez toi après un voyage ou un séjour en France et que tu as réellement la sensation de rentrer à la maison. Même si tu n’as pas grandi là, tu as su créer ta routine et ta vie dans un nouvel environnement et cette sensation d’être vraiment chez toi est grisante !
Qu’as-tu vécu là-bas que tu n’aurais pas pu vivre ici ?
J’apprécie principalement les rencontres qu’on peut faire pendant l’expatriation. On croise des personnes qu’on aurait certainement jamais rencontrées et c’est assez exceptionnel. Surtout que dans le petit monde des expatriés. Les gens sont globalement très ouverts d’esprit et ont toujours pleins de choses à raconter. On crée des amitiés avec des gens de tous horizons et toutes origines. Et même si chacun continu son voyage et sa vie ailleurs ensuite on garde contact avec des amis un peu partout dans le monde !
Particulièrement à Mayotte, je suis venue pour le travail. Ici c’est la plus grande maternité de France ! Le rythme est intense mais je gagne en expérience très vite et en tant que jeune diplômée c’est vraiment une chance.
A part ton expatriation, quel pays t’as marqué dans tes voyages ?
Grâce à l’expatriation, on a la chance de pouvoir voyager dans pleins d’endroits du monde où on n’irait pas forcément depuis la France métropolitaine. Cela permet aussi d’éviter de traverser la planète pour un seul voyage puisqu’on se trouve déjà pas très loin.
Le voyage qui m’a le plus marqué est sans doute l’Inde où je suis allée en famille en 2012 pendant 15 jours. Ce pays est complètement différent de ce que j’avais déjà eu l’occasion de voir ! Les indiens sont tellement souriants et leur culture est passionnante. J’ai eu la chance de pouvoir y voir également des tigres en liberté dans le parc de Ranthambore. Il y a pleins de choses à voir et à faire là bas je vous conseille vraiment d’y aller !
Dans quel pays as-tu préféré être expatrié ?
Encore une question difficile… Chaque expatriation est différente et il y a toujours des bons et des moins bons côtés pour chacune. Le Portugal est le premier pays que j’ai découvert et il garde une belle place dans mon coeur. C’est certainement l’expatriation la plus facile car la culture est proche de la nôtre. Il est facile de rentrer voir la famille. La vie sur place est agréable avec une météo très favorable et des portugais très accueillants. La Russie, c’était mes années lycées et je garde énormément de bons souvenirs là bas. La vie est plus difficile qu’à Lisbonne avec le climat plus rude et l’accueil un peu moins chaleureux des russes. Mais une fois sur place on découvre un pays avec pleins de richesses. Ça fait vraiment parti de mes plus belles années. Peut être la difficulté rend l’aventure encore plus belles ?
Ensuite, entre la Calédonie et Mayotte c’est à nouveau difficile de choisir ! La Nouvelle-Calédonie est un vrai paradis. La vie là bas ressemble à une carte postale. Mais le coût de la vie sur place est exorbitant et la distance avec la métropole est vraiment importante. Mayotte est plus accessible pour le coût de la vie et la distance avec la métropole. Il y a également pleins de choses à faire paradisiaques. Mais l’insécurité pèse quand même son poids dans la vie de tous les jours.
Globalement chaque pays à des choses à offrir et c’est pour ça que je continue de déménager, pas parce ce que je n’aime pas là où je suis mais seulement parce que je ne veux pas rater d’autres expériences.
Qu’est ce que tu as préféré : t’expatrier, voyager seul, voyager avec des amis, voyager en famille ..?
J’ai toujours été motivée par la découverte de nouvelles cultures et vivre à l’étranger permet de s’imprégner beaucoup plus intensément de la vie locale que le voyage.
Je dirais que l’expatriation offre une vraie expérience là où le voyage permet simplement une découverte.
Après j’adore voyager quand même je vous rassure parce que je ne pourrais pas vivre dans tous les pays que je rêve de découvrir. En fonction de mes envies j’ai déjà voyagé seule (Irlande du Nord), entre amis (Allemagne, La Réunion, Malte, Madagascar) et en famille avec mes parents pendant nos années au Portugal (Madère, Açores, Brésil) et en Russie (Egypte, Sibérie, Inde, Ouzbékistan) et aussi avec ma soeur surtout en Europe (République Tchèque, Autriche, Crête). J’adore pouvoir faire pleins de choses différentes avec des personnes différentes mais aussi de façon différente (valise ou sac à dos, hôtel ou auberge de jeunesse, voiture ou transport en communs). C’est la diversité qui rend chaque voyage unique !
Quelles sont les choses qui te manquent le plus ?
La première c’est la famille. Quand on rate les anniversaires et les fêtes de famille ce n’est pas évident. On peut facilement passer pour une égoïste à profiter de notre vie pendant que les autres restent en Métropole. Encore une fois j’ai de la chance car ma famille ne me fait pas culpabiliser même si je vois bien que je leur manque. Peut être que comme mes parents ont également connu l’expatriation en laissant leurs propres parents et frères/soeurs en France. Ils se mettent plus facilement à ma place. Je sais que de me savoir heureuse les rends heureux aussi c’est plus facile.
Ensuite de façon de plus matérialiste certaines choses manquent au quotidien. Ici à Mayotte l’île est petite et manque de restaurant (surtout les restaurants asiatiques que j’adorais en métropole) et de magasins (surtout pour les vêtement). Au niveau légumes aussi. Ici le choix est très peu varié. Presque tout est importé et très cher mais on apprend à faire avec ce qui existent. Même si on a un peu l’impression de manger tout le temps la même chose !
Penses-tu que tu reviendras vivre en métropole un jour ?
Pas dans l’immédiat. On envisage de partir découvrir la Guyane avec des amis l’année prochaine ! Un jour je me poserai peut-être quelque part mais je ne sais pas encore où et quand…
Quelle leçon tires-tu de ces expatriations ?
Je pense que chaque expérience nous fait grandir. Avec l’expatriation et les voyages on multiplie les expériences et on s’enrichit beaucoup. Grâce à mes voyages, je me rends compte que nous ne sommes vraiment pas grand chose finalement et qu’il faut profiter de la vie tout en prenant soin de notre belle planète ! Il faut essayer de laisser le moins de traces de notre passage pour les prochaines générations et pour les animaux avec qui nous partageons la terre et la mer.
En effet, en voyageant on a la chance de découvrir la richesse et la multiplicité des espèces animales mais on voit aussi l’impact de l’activité humaine sur les territoires, et il y a vraiment du boulot…
Allez nager avec des requins baleines et vous allez voir comme on se sent tout petit face à ces géants (tout en respectant les chartes d’approche des animaux marins bien sûr) !
Si tout était possible, ou aimerais-tu t’expatrier demain ?
J’ai toujours rêvé de partir au Canada ! Pour l’instant travailler là bas comme sage-femme n’est pas évident mais peut-être un jour…
Fanny nous as montré quelles étaient selon elle les différences entre le « simple fait de voyager » et s’expatrier. Ce sont en effet deux choses différentes et ce sont les expatriés eux même qui sont le plus à même de pouvoir le décrire. Ce billet n’a pas pour but de vous donner envie de vous expatrier, simplement de vous faire découvrir leurs histoires et leurs visions des choses. Toutefois si l’envie vous prend de vous expatrier, foncez ! Vous viendrez nous raconter ici ensuite comment c’était 🙂 D’ailleurs si certains d’entre vous souhaitent nous raconter leur histoires, n’hésitez pas à me l’indiquer en commentaire.
Encore un grand merci à Fanny d’avoir accepté de répondre à mes questions pour cette deuxième interview ! N’hésitez pas à suivre ses aventures à Mayotte (et pas que) sur son Instagram et sur son Blog Sage femme au bout du monde. Je suis très heureuse d’avoir pu faire ta connaissance en Nouvelle-Calédonie et j’espère que nos chemin se recroiseront à l’autre bout du monde !
Si vous n’avez encore lu ma première interview de voyageur vous pouvez la retrouver sur le blog, il s’agit de l’interview de Rayan, expatrié 3 ans aux Etats-Unis puis au Japon.